Les Psychédéliques Devraient-Ils Être Considérés Comme Des Médicaments ?

Une bonne partie du monde commence à comprendre que les drogues psychédéliques ont un potentiel médicinal. Au fur et à mesure que cette tendance s’accentue, ces substances se démocratisent et le tabou qui les entourait est en train de se lever.

Les psychédéliques doivent-ils être considérés avant tout comme des médicaments ? Dans cet article, j’argumenterai que, bien que les produits psychédéliques puissent être utilisés à des fins médicales, leur potentiel est bien plus important que leur simple capacité à guérir, et que nous limiterions notre compréhension de ce que sont ces substances, et ce qu’elles peuvent accomplir, si nous les considérons uniquement comme des médicaments.

Qu’est-ce qu’un médicament ?

Le terme « médicament » désigne des substances utilisées pour traiter des pathologies. Voici une définition :

Le médicament se réfère à une substance, qui est utilisée pour traiter une maladie spécifique ou pour aider au rétablissement après une blessure. Le dictionnaire Le Petit Larousse définit le médicament en ces termes : « Substance ou préparation administrée en vue d’établir un diagnostic médical, de traiter ou de prévenir une maladie, ou de restaurer, corriger, modifier des fonctions organiques ».

La médecine a besoin de problèmes

Les médicaments et la pratique médicale existent nécessairement en relation avec la maladie et les blessures, c’est-à-dire avec des problèmes. Même la médecine préventive a pour but le maintien en bonne santé afin d’éviter les problèmes avant qu’ils ne surviennent.

Par conséquent, les médicaments ne devraient être pris que pour guérir ou prévenir des problèmes. En l’absence de problèmes réels ou potentiels, les médicaments sont inutiles et parfois même problématiques.

Que sont les psychédéliques ?

Les psychédéliques sont une catégorie de drogues psychotropes qui ont un ensemble d’effets particuliers. Le mot provient d’un dialogue entre Aldous Huxley et Humprey Osmond, et a été inventé plus tard par Osmond dans un article. Étymologiquement, il se compose de deux parties (dérivées du grec ancien) :

• psykhē : « esprit »
• dēloun : « révéler » ou « rendre visible ».

Ces deux mots ont été combinés pour former le terme moderne « psychédélique », qui se traduit approximativement par « révélateur d’esprit », impliquant une substance qui a la capacité de révéler, de faire découvrir ou de rendre visible l’esprit d’une personne.

On peut donc dire que les drogues psychédéliques sont des drogues capables de donner à une personne une clarté et une vision inhabituelles de son propre monde intérieur. En général, on conçoit cela comme la perte de l’ego, la part de l’esprit qui crée des illusions sur soi et qui nous donne notre sentiment général d’identité.

Des doses élevées de psychédéliques peuvent provoquer ce que l’on appelle la « mort de l’ego », c’est-à-dire la disparition totale de l’ego et la perte totale du sens de soi pendant un certain temps. Ces expériences peuvent être agréables ou profondément désagréables, mais elles sont généralement considérées comme des événements profonds et importants par les personnes qui les vivent.

Une autre caractéristique commune des drogues psychédéliques est qu’elles provoquent un « trip », d’où le terme visuel et auditif de « psychédélisme ». Pour beaucoup, c’est cette caractéristique qui définit le mieux ces drogues. En réalité, ce qui est unique à propos de ces substances, c’est la connaissance qu’elles donnent de soi, car il existe d’autres drogues qui peuvent provoquer des hallucinations, mais qui ne sont pas psychédéliques.

Les drogues psychédéliques comprennent :

• LSD (acide)
• Psilocybine (champignons magiques)
• Mescaline (cactus peyotl, San Pedro)
• DMT (ayahuasca)
• Salvia divinorum
• Kétamine (bien que celle-ci fasse débat)
• MDMA (bien que celle-ci fasse débat)

Les psychédéliques sont-ils des médicaments ?

Les psychédéliques sont-ils des médicaments ?

Dans les conversations d’aujourd’hui particulièrement, le terme « traitement psychédélique » est souvent utilisé, et de nombreuses personnes se réfèrent aux psychédéliques comme étant principalement, ou même exclusivement, un médicament.

Je dirais toutefois que, bien que les psychédéliques ont une valeur médicinale, ils ne devraient pas être considérés comme des médicaments, mais plutôt comme une catégorie à part entière.

La section suivante explique pourquoi.

La valeur plaisir

Tout d’abord, le plaisir est terriblement sous-évalué dans de nombreuses cultures modernes. Dans « The Sociology Of Fun », Ben Fincham affirme que le plaisir est un phénomène qui occupe une position paradoxale dans notre société (2017). Le plaisir est généralement considéré comme superflu et peu sérieux, quelque chose associé à la paresse, au temps libre et à une faible productivité. De même, beaucoup considèrent que le plaisir est l’une des plus grandes joies et qu’il est essentiel au bonheur. Cependant, c’est un luxe que nous ne nous permettons généralement qu’une fois que nous avons eu notre dose de difficultés.

Les raisons pour lesquelles le plaisir est sous-évalué au point d’être considéré comme sans intérêt sont multiples et trop complexes pour être abordées ici. Cependant, pour les besoins de cet article, partons du principe que le plaisir est une valeur en soi.

Par conséquent, les psychédéliques sont source de plaisir (pour la plupart).

C’est la première raison pour laquelle les psychédéliques doivent être considérés comme bien plus que de simples médicaments. Ils sont amusants. L’expérience des psychédéliques est excitante ; elle rend le monde nouveau et spécial, et nous permet de mieux nous connaître nous-mêmes.

La médecine a tendance à ne pas le faire. La médecine prévient les problèmes ou nous aide à nous en remettre. La prise de médicaments n’est pas une expérience fondamentalement plaisante. La plupart d’entre nous aimeraient ne pas prendre de médicaments et ne le faire que lorsque nous voulons guérir ou traiter quelque chose.

Bien que les psychédéliques puissent être utilisés de cette manière, de nombreuses personnes choisissent de les utiliser même lorsqu’elles sont en parfaite santé, non pas à des fins médicales, mais simplement pour le plaisir.

Les psychédéliques offrent plus qu’une guérison

C’est pour cela que les drogues psychédéliques ont un potentiel bien plus important que celui de guérison.

Les médicaments nous ramènent à un état jugé « normal » et sain. La pratique de la médecine vise à nous ramener ou à nous maintenir dans un état de santé « normal », ou encore à atténuer les effets négatifs d’une pathologie ou d’une maladie.

Les médicaments ne sont pas censés nous amener au-delà d’un état normal et sobre. Mais c’est exactement ce que font les psychédéliques. C’est aussi la raison pour laquelle la plupart des gens les utilisent plutôt que de considérer cela comme des effets secondaires.

Une personne en parfaite santé, heureuse et satisfaite de sa vie, peut tout de même profiter et bénéficier de l’expérience des psychédéliques. Il n’en va pas de même pour les médicaments. Les médicaments pourraient peut-être avoir une valeur préventive pour cette personne, mais ils n’amélioreraient pas immédiatement sa vie.

Cela ne veut pas dire que toutes les personnes, qu’elles soient en bonne santé, heureuses ou non, peuvent et doivent utiliser des psychédéliques, seulement que les personnes heureuses et en bonne santé peuvent y trouver un certain intérêt, et souvent un très grand intérêt.

Ce point est lié au précédent, en ce sens que même les personnes les plus heureuses et les plus saines peuvent bénéficier d’une expérience amusante, instructive ou nouvelle. Et ce n’est pas parce que ces expériences offrent une sorte de guérison, mais parce qu’elles ajoutent de la valeur à la vie d’une personne, quelle que soit la valeur qu’elle a déjà.

La médecine cherche à ramener une personne à son état de base, à éliminer la négativité, les psychédéliques peuvent amener une personne au-delà de ce point.

Triper

La raison pour laquelle les psychédéliques sont amusants, et la raison pour laquelle ils ont une valeur au-delà de la guérison, c’est qu’ils nous font triper. En ce sens, le trip comprend à la fois des éléments révélateurs de l’esprit par ses effets et des changements de perception que l’on ressent sous l’influence de ces drogues.

Que vous considériez les trips comme une expérience mystique ou simplement comme un état cérébral inhabituel et altéré, rares sont ceux qui en font l’expérience, dans de bonnes conditions, et qui en pensent du mal par la suite.

Si le trip peut avoir une valeur médicinale, le réduire à une simple expérience médicinale, ou le considérer comme un simple effet secondaire d’une drogue ayant une valeur médicinale, c’est assurément passer à côté de l’essentiel.

L’état psychédélique est un endroit rare et spécial dans lequel seules quelques substances nous permettent d’entrer, et il a une valeur profonde en lui-même.

Les psychédéliques comme médicaments

Cela dit, les psychédéliques peuvent aussi avoir une valeur médicinale !

Des études montrent que les drogues psychédéliques ont un énorme potentiel dans le traitement de toutes sortes de maladies, particulièrement les maladies mentales, dont la toxicomanie.

Les psychédéliques contre la dépression

Le traitement de la dépression est l’un des domaines dans lesquels les psychédéliques sont les plus prometteurs. Une étude menée à la John Hopkins University a montré que la majorité des participants ressentaient les effets antidépresseurs de la psilocybine même 12 mois après le traitement (Gukasyan, Davis et Griffiths, 2022). Toutefois, il convient de noter que cet essai n’a porté que sur 27 participants et qu’il est donc trop limité pour pouvoir être généralisé. Néanmoins, en combinaison avec d’autres études, il semblerait que cette tendance soit cohérente.

La manière dont les psychédéliques influent sur la dépression n’est pas encore clairement établie. Il existe de nombreuses explications possibles. D’une part, les effets révélateurs de ces drogues sur l’esprit, particulièrement lorsqu’elles sont associées à une psychothérapie, peuvent aider les gens à identifier et à rompre de vieux schémas et à faire face à des problèmes qu’ils ne peuvent ou ne veulent généralement pas affronter. Sur le plan physique, il reste encore beaucoup d’inconnues. Une théorie veut que les drogues psychédéliques se lient au récepteur 5-hydroxytryptamine 2A (5-HT2AR) et augmentent ainsi la plasticité neuronale (Vargas, 2023). Les neurotransmetteurs, tels que la sérotonine, se lient également à ces récepteurs, mais ne semblent pas augmenter la neuroplasticité.

La particularité de ces drogues, semble-t-il, c’est qu’elles peuvent traverser la membrane cellulaire et pénétrer dans les neurones, plutôt que de se lier simplement aux récepteurs. L’étude (citée plus haut) suggère que lorsque les composés traversent la membrane cellulaire, il y a corrélation avec une neuroplasticité accrue.

Les psychédéliques contre la dépendance

Les psychédéliques sont également étudiés pour leur rôle potentiel dans le traitement et la gestion des dépendances ou des troubles addictifs.

On ne sait pas exactement comment ils peuvent aider, mais on soupçonne que les mécanismes pourraient être similaires à la façon dont ils affectent la dépression : par le biais de l’augmentation de la neuroplasticité. Parallèlement, on pense également que les modifications de la connectivité du réseau cérébral, du traitement de la récompense et des émotions, de la connectivité sociale, de la perspicacité et des expériences mystiques sont importantes pour aider les personnes à modifier leurs relations avec les substances addictives (Rieser, Herdener et Preller, 2022).

Les psychédéliques : une forme de médecine, mais bien plus encore

Il est clair que les psychédéliques ont un rôle à jouer dans la médecine et que, dans certaines circonstances, ils peuvent agir comme des médicaments. Cependant, les considérer principalement ou uniquement comme des médicaments serait réducteur, car ils offrent bien plus qu’un simple pouvoir de guérison.

Les médicaments traitent ou préviennent les problèmes et visent à ramener une personne à un niveau de santé normal. Les psychédéliques semblent également être en mesure d’y parvenir dans certains cas, mais leur valeur ne s’arrête pas là. Ces drogues sont capables d’aider les gens à s’élever au-dessus d’un niveau normal et sain et à vivre de nouvelles expériences révélatrices et profondes. En ce sens, elles se distinguent totalement des médicaments et doivent donc être considérées avant tout en tant que drogues psychédéliques, et ensuite seulement en tant que médicaments.

Max Sargent

Max est pigiste depuis plus de 10 ans et s’est tourné vers le journalisme du cannabis et des produits psychédéliques ces dernières années. Rédacteur pour des entreprises telles que Zamnesia, Royal Queen Seeds, Cannaconnetion, Gorilla Seeds, MushMagic et bien d’autres, il est fort d’une grande expérience dans ce secteur.

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